Qui fait quoi ?

Feuilles découpées par Megachile et Otiorhynque

A gauche, le feuillage de la pivoine montre des morsures d’Otiorhynche. A droite la découpe est signée Megachile.
Spectaculaire et même étonnant dans les deux cas, merci on ne s’affole pas ! Il n’y a pas de quoi.

Les Otiorhynches adultes « broutent » la marge des feuilles. Ces coléoptères également désignés sous le nom de « charançons » se nourrissent la nuit, alors que leurs larves vivent dans le sol où elles peuvent faire quelques dégâts au potager. Sur les feuilles des troènes, des lilas, ainsi que d’autres arbustes ou comme ici des pivoines, ce n’est pas joli mais sans gravité pour leur avenir. Au potager, ne cultivez pas de légumes-racines trop près des arbustes cités ci-dessus, surtout si vous remarquez ces petits coups irréguliers de mandibules au bord des feuilles. En cas d’attaque importante, une solution biologique existe. Nous en reparlerons si vous le souhaitez.

A droite, ce beau découpage large, net, plus régulier est dû à une abeille. Hyménoptère solitaire à la différence de nos abeilles domestiques qui vivent en société dans les ruches (ou encore dans la nature !) les Megachiles – très utiles pour la pollinisation – prélèvent des morceaux de feuilles comme des coupons de moquette ! Elles s’en servent de tissus
d’ameublement pour habiller leurs maternités, du sol au plafond, situées dans des cavités de bois mort. La cellule maternelle est tapissée (d’où leur surnom d’abeilles tapissières) de coupons de feuilles et de pétales de fleurs collés avec de la résine, la maman dépose une réserve de pollen et de nectar à l’attention de la larve à naître, pour cela elle pond un seul œuf, et referme l’entrée avec de la feuille mâchée et de la résine.
Il faut impérativement respecter ces abeilles solitaires si discrètes, si méconnues ! Les feuilles de vos rosiers sont moins esthétiques ? Il ne faut pas en faire le reproche aux Mégachiles, victimes des pesticides, et de notre peur à la fois du bois mort, et des hyménoptères… Je n’ai jamais vu un rosier malade ou disparaitre par la faute de cette abeille solitaire.

Vivant, si possible !

La coccinelleLa coccinelle bénéficie d’un taux record de popularité. Elle ajoute une attendrissante sympathie à une attention plus… intéressée. A la fois « porte-bonheur » ou devineresse dans les traditions populaires, et amie utile au jardin par sa consommation de pucerons. L’étonnante petite bestiole fait tellement l’unanimité qu’elle cache les milliers d’autres espèces d’insectes dont le rôle est important, et que nous ne pouvons – ou ne voulons hélas – plus voir. Parce qu’ils ressemblent parfois un peu à d’autres insectes dont on se méfie, guêpes et mouches en tout genre, et le plus souvent parce qu’on les ignore, que nous ne nous posons aucune question à leur sujet.
Quel dommage, quel gâchis ! Il en va de même avec l’abeille domestique, plutôt bien défendue par les apiculteurs, mais qui ne doit pas faire oublier tous les autres hyménoptères, abeilles solitaires et bourdons, responsables sacrifiés alors que ce sont également des pollinisateurs et pour d’autres des prédateurs ou des parasitoïdes. Et que dire aussi de nos araignées, de nos reptiles, des oiseaux privés de vieux arbres, d’arbustes caduques touffus ou, comme les hirondelles, chassées des génoises au prétexte qu’elles salissent les façades !…

Nos jardins n’ont pas vocation à être propres comme des salles à manger ou des salles de bains. Est-il de dimensions très modestes ? Vous avez quand même l’immense chance de disposer d’un petit morceau de notre planète. Ou protéger la nature en l’aidant à se réinstaller, en bannissant par exemple l’emploi de tout pesticide. En 40 années d’écoute et de conseil il m’a beaucoup plus souvent été demandé « Que faire contre… » que « Que faire pour ? » En revenant à notre coccinelle, n’est-il pas paradoxal qu’il nous soit proposé d’en acheter alors qu’il suffirait de rendre nos jardins simplement accueillants pour elle, pour tous nos fidèles auxiliaires, et pour tous les organismes qui étonnent, qui ravissent, qui émerveillent ?

Vous voici sur un blog des jardins vivants, ouverts sur – et – à la nature. Soyez les bienvenus !

Joël Avril en studioJoël Avril

Saints de Glace et Cavaliers du froid

Au printemps, chaque année nous apporte son lot de surprises, bonnes ou moins agréables, en alternance rapide. Des bouffées de chaleur précoce suivies de rafraichissements, parfois même de gelées tardives. Les anciens repéraient et mémorisaient les événements climatiques grâce aux dates des fêtes du calendrier de l’Eglise. Voilà pourquoi nous entendons encore parler des « Saints de glace » au nord de la France, et des « Cavaliers du froid » au sud. Les premiers correspondaient aux 11, 12 et 13 mai, complétés selon les régions et les traditions locales par d’autres dates échelonnées du 14 au 25 mai. Quand aux « Cavaliers » ou « Chevaliers » vraisemblablement nommés ainsi parce que le premier d’entre eux, Saint Georges a été représenté à cheval, ils sont situés du 23 avril au 6 mai.

Un olivier sous le poids de la neige du mois de mars 2010. A 40 km de la Méditerranéenne, en plaine !

Un olivier sous le poids de la neige du mois de mars 2010. A 40 km de la Méditerranéenne, en plaine !

Observations : le décalage de 15 jours à 3 semaines entre les traditions empiriques du nord et celles du midi correspond bien à la différence dans l’avancement (ou le retard) de la végétation. Ce qui est pertinent.
Intéressante également, l’observation croisée des phénomènes avec les données des météorologues contemporains : le printemps météorologique ( du 1er mars au 31 mai)  voit fréquemment des situations atmosphériques favorables au décrochement de masses d’air polaire jusque sur nos régions. Ces grosses bulles froides, certes tempérées par l’influence maritime sur nos façades océanique et méditerranéenne, sont à l’origine des mauvaises surprises printanières.

Maintenant : l’observation de la date moyenne de la dernière gelée printanière dans toutes les régions de France montre à l’évidence les effets du dérèglement climatique, du réchauffement, tout au long des 40 à 50 dernières années. Grosso modo, et pour ne prendre aujourd’hui que quelques stations de l’est du pays comme Strasbourg ou Nancy, le dernier risque de gelée est remonté de la dernière décade d’avril à la première ! Vous plantez vos frileuses 15 jours à 3 semaines plus tôt que votre arrière grand-mère. Mais restez prudent. En dehors des grandes statistiques de la tendance générale, l’une des caractéristiques de notre climat est d’être parfois… surprenant.

L’accueil des unes fait le bonheur …

des autres (et l’étonnement de nos regards… )

Ficaria ranunculoides et Anemone blanda
La floraison des ficaires (Ficaria ranunculoides) – trop souvent désignées comme « mauvaise herbe » par une certaine presse d’autrefois – est contemporaine de celles des anémones de Grèce (Anemone blanda). Entente esthétique parfaite dans une partie du jardin d’observation où je décris les reconquêtes naturelles sans intervenir jamais, mais en essayant de les expliquer.

Toujours trop bien faire

Une auditrice s’étonne : cette année ses jonquilles n’ont fait que des feuilles et quelques boutons déformés qui n’ont pas évolué.

Narcissus jonquillaNarcissus jonquilla

Phénomène relativement fréquent à mettre sur le compte des trop bonnes intentions de notre auditrice déçue. Elle a pensé bien faire en arrosant fidèlement sa plantation de Narcissus jonquilla avec un engrais. Qui a favorisé le développement du feuillage au détriment de la floraison.
Les bulbes, comme tous les organes de réserves, contiennent TOUT CE QU’iL FAUT pour conduire le développement jusqu’à la floraison. Au terme de l’évolution, la nature fait en sorte que les bulbes puissent passer une longue mauvaise saison à l’abri, invisibles, en terre. Si vous souhaitez les garder dans le sol après la floraison pour en profiter un an plus tard, vous devez impérativement ne jamais couper le feuillage, et pourquoi pas, les arroser avec un peu d’engrais liquide ORGANIQUE (d’origine naturelle) riche en acide phosphorique et en potasse. Une poignée de sang séché + corne torréfiée convient également très bien. Le soleil et les ondées feront le reste. Lorsque le feuillage fanera ils sera temps de le couper. Le bulbe entrera en repos, il dormira jusqu’à la fin de l’hiver 2016…

Le voir pour le croire…

ElagageCe n’est qu’un exemple, hélas, d’une conduite encore beaucoup trop fréquente envers les arbres publics ou privés. Alors qu’il existe des formations de plus en plus techniques au métier d’élagueur, en particulier dans le domaine de la biologie et de la physiologie des arbres*, nous ne devrions plus voir d’étêtage préjudiciable. Il faut se poser des questions : les riverains ont-ils majoritairement, et en toute méconnaissance, commandé cette opération ? L’entreprise d’élagage a-t-elle accepté de la conduire sans les informer des inconvénients graves de cette radicalité ? La photo 2 montre la réaction des arbres, qui émettent de très grands nombres de brins à partir d’yeux dormants. Les arbres réagissent dans l’urgence en puisant dans leurs réserves, pour tenter de reconstituer leur surface foliaire. Les sujets ainsi traités, privés de leur houppier, deviennent plus ou moins rapidement malades, fragilisés par des atteintes fongiques et/ou parasitaires parfois invisibles et finalement…  dangereux. Bien plus dangereux que le port qu’ils avaient auparavant, une architecture dessinée par leurs propres gênes et l’élan d’avenir apporté par l’œil et la main d’un pépiniériste bien formé, lui aussi, dans les 2 ou 3 premières années de la vie de l’arbre. Les riverains doivent le savoir, comme tous les propriétaires d’arbres tentés par ce genre de saccage aussi inesthétique que potentiellement grave pour les résidents ou les passants.

Réaction de l'arbre après un élagage traumatisant

Réaction de l’arbre après l’élagage traumatisant.

* La connaissance du « fonctionnement » des végétaux, des arbres en particulier, progresse d’année en année. On est encore loin de tout comprendre, mais nous devons une bonne partie de cette évolution du savoir à « l’école de Montpellier » : son Université des Sciences et Techniques, à son Institut de Botanique. Chercheurs et enseignants dans le sillage du Prof. F. Hallé, l’inventeur du radeau des cimes. Il fait aimer ces inconnus que sont encore les arbres, il aide à apaiser la peur qu’un trop grand nombre de contemporains éprouvent toujours près d’eux…

Histoires remarquables. Les insectes

Histoires remarquables. Les insectesJardiniers ou pas, le plus grand nombre de nos contemporains ont pour les insectes la même approche, à peu près, que le Moyen âge vis-à-vis des rapaces nocturnes, ou des chauves-souris. Un monde très largement hostile, nuisible, dangereux, dont il faudrait se méfier. Dans le meilleur des cas aujourd’hui on estime qu’il en faut peut-être certains, mais « pas chez nous », « pas dans mon jardin » et autre « je ne veux pas les voir »… mis à part les coccinelles. L’auteur en parle aussi.
Heureusement Vincent Albouy, entomologiste et vulgarisateur passionnant du rôle des insectes, plaide inlassablement pour une meilleure connaissance. Après « Un jardin pour les insectes » avec les illustrations de Gilbert Hodebert chez Delachaux et Niestlé ( 2013) et « Jardiner avec les insectes » aux Editions de Terran (2009), le président de l’OPIE (Office Pour les Insectes et l’Environnement) démontre dans un ouvrage merveilleux comme le printemps que les insectes sont des génies ignorés trop faciles à écrabouiller d’une claque ou cramer d’une pression sur le bouton de la bombe.
Oui, merveilleux, parce qu’en 25 histoires vraies consacrées à 25 particularités chez 25 insectes différentes Vincent Albouy contribue à dévoiler combien la nature a su créer et mettre au point de subtils mécanismes de précision, des stratégies à l’évolution encore sous estimée et méconnue, d’une redoutable finesse et efficacité. Ce livre de contes inédits, j’ai envie de le lire en famille, aux enfants et petits enfants, je suis déjà assuré du succès ! La petite guêpe fluette tueuse de grosse mygale, le bombardier (coléoptère qui pète le feu), la luciole femme fatale bien plus glamour, ces 224 pages ravissent, étonnent, font sourire et réfléchir.

Histoires remarquables
Les insectes.
Vincent Albouy, illustrations de François Desbordes.
17€50
Delachaux et Niestlé.