Les fleurs éclosent à vue d’oeil avec l’arrivée de la nuit, elles se ferment le lendemain en fin de matinée, mais la belle débarquée du Nouveau Monde au XVIIème siècle recèle de vraies vertus !
D’abord, si les premiers explorateurs de l’Amérique du Nord l’ont ramenée en Europe c’est parce qu’elle était consommée par les populations indiennes qui lui trouvaient un intérêt pour leur santé. Cultivée dans plusieurs pays ( elle est encore présente dans la liste des plantes potagères des anciens catalogues de semences) elle apparait meilleure pour la forme qu’au papilles. Les très jeunes feuilles peuvent entrer dans les salades sauvages de jeunes pousses (la « mâche rouge »), mais c’est sa longue racine charnue qui est intéressante, ainsi que l’huile contenue dans ses graines. Cette racine prend à la cuisson une jolie nuance de rose. En bouche, vous pourriez la comparer au salsifis pour la texture, en plus sucré, et légèrement poivré. Dit-on! En effet, je n’ai encore jamais eu l’occasion d’en goûter. On ne se promène pas avec une bêche, hélas, car cette racine profonde est parfois difficile à extraire. Si vous en semez chez vous, dans votre coin potager, l’arrachage sera plus aisé car vous en travaillez régulièrement le sol ( Un travail à la fourche bêche de type « grelinette » est particulièrement indiqué). Trop peu de contemporains savent que cette racine a été appelée « le jambon des jardiniers » ou « jambon de Saint-Antoine » non seulement pour sa couleur rose cochon après cuisson, mais pour sa valeur nutritive. Le botaniste Paul Fournier (1877-1964) rapporte l’adage germanique selon lequel une livre de racines donne plus de force qu’un quintal de boeuf *
Les végétariens, et les nutritionnistes tellement à la mode, pourraient tendre l’oreille. Comme les chefs – étoilés ou non – qui se retrouvent dans une recherche éperdue de la « nouveauté ancienne » pour nous amener à table de véritables assiettes de dinette « design », assorties bien sûr de l’étalage de leur mérite dans la redécouverte des « saveurs d’autrefois » , et de l’énoncé bougrement long et poétique du met sur la carte. Jusqu’ au poignant et définitif : « …et grains de fleurs de sel rose de Robert Tartemolle, saulnier de chez nous » . Ce qui veut dire que le chef a légèrement salé la préparation avec un produit local, certes, et il faut le dire.
Pour l’instant – à ma connaissance – cette ex américaine sauvageonne des remblais, des bords de chemins, et des plaines alluviales fonde de grands espoirs chez les chercheurs de nouvelles molécules pour la dermatologie, la cosmétique, et d’autres soucis plus intérieurs que ceux de l’aspect de notre peau. Qui ne s’est jamais entendu proposer des gélules d’huile d’onagre, pour quelques démangeaisons, rougeurs ou inflammations? Comme on le disait à l’époque des « réclames » oui, cette huile peut avoir des effets souverains. Elle en a, assurément, sur les bénéfices des laboratoires.
Les graines de cette plante parfois qualifiée de mauvaise herbe, de « saleté » comme je l’ai entendu dernièrement, contiennent près d’un quart d’huile très riche en acides gras insaturés. En plus de l’acide oléique et de l’acide linoléique, elles renferment de belles quantités d’un autre acide gras essentiel : l’acide gamma-linolélique (Oméga 6) .
Au fait, ce nom d’onagre, çà ne vous dit rien ? Non bien sûr il ne s’agit pas de l’âne sauvage. L’onagre sert de base à la création de noms de marques, de spécialités cosmétiques! La « mauvaise herbe » n’est pas une « saleté » pour tout le monde , et l’huile de ses graines n’enrichit pas que les capacités de la peau à résister au vieillissement. Bonne et belle fille ( même si d’aucuns la méprisent en leur jardin) l’oenothère bisannuelle, l’onagre enrichit celles et ceux qui ont pensé l’étudier, et l’exploiter. Et toutes les grosses ou fines ficelles du marketing et de la publicité font le reste, et nous vendent jeunesse, beauté, séduction. Rions un peu. C’est également excellent pour lutter contre les rides …
Bibliographie, vous en saurez beaucoup plus:
– Légumes d’hier et d’aujourd’hui, Marie-Pierre Arvy, François Gallouin, Ed Belin 2007.
-Légumes anciens, Saveurs nouvelles, Marianne Loison, Ed France Agricole 2006.
-Petit Larousse des plantes qui guérissent, Gérard Debuigne, François Couplan, Ed Larousse 2006 ( réedité, actualisé depuis)